[ 19/05/2008 20:44 ] L'idée d'un retour en Europe des poulets chlorés américains a décidément du mal à passer: les pays de l'UE y ont mis lundi le holà au nom des exigences de qualité de leurs consommateurs, désavouant du même coup la Commission européenne.
Lors d'une réunion des ministres de l'Agriculture à Bruxelles, 21 des 27
ministres de l'UE ont refusé en l'état une levée de l'interdiction en place
depuis 1997, a indiqué une source européenne. Les autres ne se sont pas
exprimés.
Ils ont ainsi adressé un camouflet au commissaire européen à l'Industrie
Günter Verheugen qui, il y a seulement une semaine, annonçait triomphalement
son intention de proposer le retour des volailles désinfectées chimiquement,
appelées poulets "à la javel" par leurs détracteurs.
Une méthode radicale visant à tuer ou réduire le nombre de bactéries,
telles que les salmonelles, alors qu'en Europe les contrôles d'hygiène sont
faits à chaque étape de la chaîne de production et de distribution.
La France a été particulièrement en pointe sur le sujet. "C'est une
question assez symbolique", a commenté lundi devant la presse le ministre
français de l'Agriculture, Michel Barnier, en soulignant qu'il était hors de
question pour lui d'accepter en l'état de lever l'interdiction.
"Les Etats-Unis peuvent faire ce qu'ils veulent chez eux mais les
consommateurs européens ont d'autres exigences", a-t-il dit. "Ils veulent des
contrôles d'hygiène tout au long de la chaîne de production et pas une
désinfection brutale en bout de chaîne", a ajouté M. Barnier.
Lors du débat, le ministre allemand de l'Ariculture Horst Seehofer a
également fait valoir qu'il s'agissait d'un sujet très "chaud" dans son pays
et qu'il lui serait difficile de faire accepter l'arrivée de volailles
chlorées à la fois à son opinion publique et à ses éleveurs, selon un
diplomate.
A l'issue d'un forum économique UE-USA la semaine dernière, M. Verheugen,
qui milite activement depuis des mois pour le retour des poulets désinfectés
américains, avait indiqué qu'une proposition en ce sens de ses services était
imminente, pour une période probatoire de deux ans.
Très optimiste, le représentant américain à cette rencontre, Daniel Price,
conseiller du président George W. Bush aux affaires économiques
internationales, s'était même déjà réjoui "de voir les exportations
américaines de poulet affluer à l'automne en Europe".
Mais cette annonce n'a pas été du goût de tous au sein de la Commission, où
certains de ses collègues l'ont jugée prématurée, selon une source européenne.
"Les déclarations de M. Verheugen ont irrité les services de la commissaire à
la Santé Androula Vassilou", indique-t-elle.
La commissaire chypriote, clairement embarrassée de se retrouver en
porte-à-faux face aux ministres lundi, leur a d'ailleurs promis de "prendre en
compte" leurs critiques.
Même si Bruxelles finit par proposer une levée de l'interdiction, à temps
pour un sommet UE-USA prévu le 10 juin en Slovénie, auquel assistera le
président Bush, les Etats européens la bloqueront ensuite selon toute
vraisemblance et avec elle les poulets américains aux frontières.
Le mois dernier, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA)
avait rendu public un avis mitigé sur les effets potentiels de quatre
substances utilisées aux Etats-Unis pour désinfecter les carcasses de poulets.
Elle a jugé qu'aucune donnée scientifique ne montrait une tolérance accrue de
certaines bactéries par l'organisme à la suite du traitement au chlore, tout
en prônant "davantage de recherche".