Il faut sauver le napoléon

http://www.lnc.nc/articles/article_70001_213114.htm

C’est fait. La pêche au napoléon est désormais totalement interdite en province Sud. Ce magnifique poisson débonnaire et curieux se raréfie partout dans le monde. Or, il est un sujet d’attraction pour les touristes plongeurs. La pêche au crabe (dont la population diminue aussi) n’est pas interdite mais réglementée beaucoup plus strictement.

Les images avaient fait le tour de Calédonie sur Internet en octobre 2007. Elles avaient été reprises en Métropole par des organismes de défense de l’environnement. Partout, elles avaient soulevé l’indignation. Un groupe de pilleurs du lagon exhibait fièrement les fruits d’une pêche orgiaque. Et parmi eux, un superbe napoléon d’environ 1,20 mètre, un animal classé dans le top 10 des espèces marines les plus menacées, mais dont la capture n’était pas hors la loi en Nouvelle-Calédonie.
Depuis hier, c’est en partie chose faite. La pêche au napoléon est interdite en province Sud, quelles que soient sa taille et l’époque de l’année. La décision a été prise à l’unanimité au cours d’une séance plénière largement consacrée à la mer, au domaine et aux activités maritimes. La province Nord va prendre la même mesure dans les mois qui viennent. Elle avait devancé le Sud en limitant la pêche aux individus dépassant 50 cm et mesurant moins d’un mètre. Mais bientôt, l’interdiction sera totale sur toutes les côtes de la Grande Terre, de l’île des Pins et de Belep. La balle est désormais dans le camp de la province des Iles.
Ce poisson de récif, victime de sa chair goûteuse, surtout quand il est jeune, a vu ses effectifs baisser de façon inquiétante au cours des dernières années dans le lagon calédonien. Dans certaines régions tropicales plus peuplées, il a même quasiment disparu. En Chine, les pêcheurs le revendent quelquefois plus de 100 dollars le kilo (environ 8 000 F).

« Pour nous, cet animal emblématique a plus de valeur vivant que mort »

« Pour nous, cet animal emblématique a plus de valeur vivant que mort » résume Christophe Obled, directeur de la Denv (direction de l’environnement de la province Sud). « C’est un emblème touristique, une attraction pour les plongeurs qui aiment sa beauté, son air débonnaire et sa curiosité paisible. »
« Cette mesure est dans la continuité de l’action engagée il y a quatre ans par la province en faveur de l’environnement, du développement durable et d’un aménagement maîtrisé du territoire », observe Philippe Gomès.
C’est dans le même esprit que la pêche au crabe va être encadrée beaucoup plus strictement. Depuis quelques années, la mise sur le marché de nasses chinois à mailles serrées permettait aux professionnels et aux amateurs de faire de véritables razzias, de piéger aussi les tout petits, d’où une baisse continue des « stocks ».
Désormais, les professionnels n’ont plus droit qu’à 20 nasses par « action de pêche » au lieu des 50 ou 100 quelquefois utilisées. Et les amateurs sont restreints à deux nasses. Attention : un bateau correspond à une seule « action de pêche », quel que soit le nombre d’occupants. Par ailleurs, les services provinciaux étudient une réglementation sur la largeur des nasses et des filets pour permettre aux juvéniles d’en réchapper jusqu’à l’âge des premières reproductions. Les matériels de piégeage actuellement sur le marché seront alors interdits au profit d’autres qui épargneront les jeunes générations de crustacés.
Et qu’on se le dise, la province Sud s’est donné les moyens de faire appliquer cette réglementation. Elle possède des points de surveillance du lagon, équipés de bateaux, à La Foa, à Yaté, à Nouméa, et bientôt à Bourail et peut-être à l’île des Pins. Sans compter les moyens nautiques dont sont équipées plusieurs brigades de gendarmerie.

Philippe Frédière

Des sanctions qui font mal
Bien sûr, il y aura des braconniers du napoléon. Mais malheur à ceux qui se feront prendre. Ce sera le même tarif que les chasseurs de tortues marines. Ils encourront une amende pouvant dépasser le million CFP, et auront droit en prime à la confiscation de leur matériel et du bateau.
Pour les fraudeurs de la pêche au crabe, l’amende pourra aller jusqu’à 180 000 F.

Ce poisson de récif, victime de sa chair goûteuse, surtout quand il est jeune, a vu ses effectifs baisser de façon inquiétante au cours des dernières années dans le lagon calédonien. - Photo DR